André Reumaux, dit André Piedpalmé, pratique la photographie sous-marine depuis deux ans. Il a remporté un Galathea d’argent au Festival international du monde marin à Hyères en 2021.
Dunkerque : la folle journée d’André qui a retrouvé un crâne dans le coffre d’une voiture au fond de l’eau
Photographe sous-marin, André Reumaux vient de vivre un week-end de dingue. En découvrant un crâne dans un bassin du port, il a réalisé l’un de ses rêves d’enfant : plonger avec des professionnels pour les débuts d’une enquête policière à rebondissements.
Samedi 19 février, 11 h 30, port de Dunkerque. André vient de trouver son spot dans la Forme 4, un bassin à l’abri du courant. Le photographe amateur pourra prendre des clichés d’hippocampes, d’étoiles des mers, étrilles et gobies. Après le passage de la tempête, la visibilité est excellente. André en profite pour observer l’épave bien connue des plongeurs, un vieux modèle de Peugeot gisant dans le fond du port depuis plus de 20 ans.
Lorsqu’il passe devant le coffre, c’est la stupéfaction. « Je découvre un crâne, raconte André. Ce n’est pas le meilleur endroit pour paniquer, mais je parviens à garder mon calme. » Ça turbine dans sa tête. Il multie les photos, pousse le zoom, mais pas moyen de savoir si ce fichu crâne est un vrai crâne. « On peut voir les dents. Une partie du crâne est cassé, comme si la victime avait reçu des coups. Je commence à me faire des films. »
André abrège sa plongée après 20 minutes. À l’autre bout du fil, ses proches lui recommandent d’appeler la police. Même conseil de la part des membres du club de plongée de Dunkerque lorsque le photographe leur montre l’image. Au standard du 17, l’agent est sous le choc. C’est la première fois qu’on lui dit qu’on a retrouvé un crâne dans une voiture sous l’eau à Dunkerque.
La police réquisitionne le photographe amateur
La police arrive sur place, la sécurité du port aussi. « À chaque fois que je montre la photo, on en vient à la conclusion qu’il s’agit d’un vrai crâne. » Mais il faut attendre la police judiciaire pour tirer l’affaire au clair. Mû par une intuition, André rassemble son matériel et enfile à nouveau sa combinaison. S’il doit replonger, autant être prêt. « Accompagner les plongeurs professionnels sous l’eau, c’est un rêve de gosse. »
À 18 heures, ça grouille de monde à la Forme 4 avec l’arrivée des spécialistes plongeurs et d’une grue. « Ils connaissent l’endroit, mais n’y croient pas. La seule explication, ce serait que la tempête a révélé un cadavre humain envasé dans le coffre. »La nuit commence à tomber, le dénouement approche lorsque l’officier de la police judiciaire ordonne l’intervention. « Et là, elle utilise ces mots qui me remplissent de fierté : «Je vous réquisitionne pour prendre des photos de la scène de crime». » Rien que ça.
André plonge avec son appareil photo et ses énormes spots. À 20 h 30, tout le monde refait surface. La grue est prête à remonter l’épave. Le pompier qui s’est emparé du crâne se confie à André : « j’ai eu peur que tout le corps vienne avec ». Pendant ce temps, la police judiciaire analyse déjà le crâne. Et remarque un bout de caoutchouc à la base de la mâchoire. Il est 21 heures, on compte trois véhicules de pompier, deux de police, une grue, un remorqueur, une dizaine d’intervenants autour du bassin et André réalise que l’objet qu’il a découvert dans le coffre de la vieille Peugeot est une tirelire.
Tout le monde repart, le crâne est quand même placé sous scellé, et André se retrouve seul à la Forme 4, avec sa voiture personnelle... en panne de batterie. « C’est la même société qui est revenue pour me dépanner », s’amuse-t-il.
Le coup de fil du dimanche
Dès le lendemain, André reprend le cours normal de son existence en filant vers les Ardennes. Il reçoit un coup de fil à 15 heures. « La police judiciaire me demande de revenir à Dunkerque. » Son sang se glace. « Je me dis qu’ils vont m’accuser d’avoir posé le crâne dans le coffre pour faire le buzz. J’ai peur. » Lorsqu’il arrive au commissariat à 18h, on lui tend le sac qui contient le crâne et le procès-verbal. « Ils m’ont dit qu’ils avaient bien rigolé, et le procureur aussi. Les gens dans la salle d’attente n’ont pas compris quand ils m’ont vu reparti avec un crâne dans un sac »
L’hypothèse la plus probable, c’est celle d’un trophée placé par un plongeur pour marquer son territoire, comme on grave ses initiales dans l’écorce d’un arbre. Pour André, c’est un soulagement sans nom. « J’étais tellement abasourdi que j’en ai mal dormi. J’avais honte d’avoir déclenché tout ça pour une tirelire. » De retour au calme, une idée lui est venue pour clore ce chapitre. « Je vais organiser une scène de crime sous-marine en Belgique et j’y placerai le crâne. » Qui sait, peut-être que ses amis plongeurs sauront résoudre ce mystère qui n’a peut-être pas fini de réveler tous ses secrets.